Angelo Vassalo

QUI A TUE ANGELO VASSALO ?

Vous vous demandez sans doute qui est cet Angelo Vassalo ?
Voilà donc ce qui est arrivé à ce pauvre homme, mais auparavant je vais écrire comment nous avons découvert cette sinistre histoire.
Cet été, de retour de Grèce avec notre voilier, nous décidons de faire une escale à Acciaroli (région de Campanie, Italie )
Une amie m'écrit en précisant que nous sommes dans le village où il y a un pourcentage impressionnant de centenaires.
Je fonce aussitôt vers la librairie la plus proche et demande des renseignements. Et me voilà donc munie d'un livre de recettes, en italien.
La grande explication de la longévité, mais pas que...
Les recettes sont merveilleuses et font saliver. Rien que des produits naturels, sains, du poisson lorsque les pêcheurs en ramène, du fromage de brebis, des tomates et de l'huile d'olive. Un régime crétois dans toute sa splendeur.
Je disais: mais pas que. Comme le village est bien en hauteur, les habitants font sans cesse le va et vient du port ou de la plage, vers leurs maisons.
Des chercheurs américains ont réalisé une enquête à ce sujet. On peut y lire aussi que papies et mamies préfèrent les galipettes en lieu et place des feux de l'amour télévisuelles ou autres niaiseries de ce genre. Ils mènent une vie sociale riche de solidarité et d'entraide.
Leur maire, Angelo Vassalo, adoré de la population s'était battu pour qu'ils aient tous une vie meilleure. Son devoir était de redonner leur dignité aux plus démunis, aux dominés, aux exclus, aux sans voix.
Il parlait du "fossé infranchissable qui séparait les pêcheurs de ceux qui possédaient tout, la terre, les biens, le pouvoir politique"
Humaniste, écologiste, homme de bien, il a favorisé l'accession à la propriété aux plus humbles. Il a fait construire le port où nous avons pu passer quelques jours.
Selon l'auteur de l'article, l'homme était un visionnaire, un prophète au courage exceptionnel.

Angelo a été assassiné le 6 septembre 2010 de 9 coups de pistolets, sans doute par la camora napolitaine "les chiens fous de la mafia" mais à ce jour rien n'a pu être prouvé.

Nous sommes repartis la veille de la commémoration du 7ème anniversaire de sa mort, sans connaître l'histoire, sinon nous serions restés avec cette population dans la détresse et la colère.
Nous avions pris cette photo sans savoir qui il était, mais nous (j'avais) avions trouvé l'homme très beau.
Ci-dessous un très bel article du monde:


Angelo Vassallo, un prophète assassiné
Par Alain Faure, directeur de recherche CNRS à l'Institut d'études politiques de Grenoble

En abattant le maire de Pollica, les "chiens fous" de la mafia ont assassiné un prophète local et planétaire.

Le maire de Pollica a été abattu le 6 septembre 2010 de sept balles tirées dans la tête et dans le cœur. Tous ceux qui, en Campanie, en Italie et dans les réseaux environnementalistes internationaux, avaient eu la chance de le rencontrer ou de travailler à ses côtés, ont été bouleversés, dévastés, abasourdis en apprenant la nouvelle.

Angelo Vassallo semblait touché par la grâce dans tout ce qu'il entreprenait. A vingt ans, il sonnait la révolte des "petits" pêcheurs de sa commune, à trente il ressuscitait le port de plaisance, à quarante il relançait la filière de l'olive dans le Cilento, à cinquante il inventait l'écologie intégrée en Campanie et promouvait des idées géniales à l'échelle européenne et jusqu'en Chine (son dernier voyage au nom de CittaSlow) pour concilier l'urbanisation, la protection de l'environnement et le développement local. Sa force vitale était tout simplement saisissante, une trajectoire hors norme pour un homme rayonnant d'intelligence, de générosité et de clairvoyance, obsédé par le sort de ses concitoyens les plus fragiles et visionnaire pour construire une communauté plus respectueuse de l'environnement.

Il y a deux ans, dans le cadre d'une recherche sociologique sur les passions politiques à Naples et en Campanie, j'ai eu le privilège de recueillir son témoignage sur le sens qu'il donnait à son action et sur les convictions qui l'animaient. Il nous a longuement reçus dans une vieille bâtisse, offerte à la commune par un habitant et transformée en maison de la mer, puis nous avons sillonné le pays parce qu'il voulait absolument nous montrer la chair territoriale de son projet de société. A ma demande insistante (qui l'obligeait à braver sa pudeur naturelle), il nous avait raconté ses premières émotions en politique, son village, ses parents, ses amis, évoquant les raisons profondes qui l'avaient poussé à consacrer toute sa vie à la défense d'une conception résolument altruiste et combattive de l'engagement public.

UNE ACUITÉ VISIONNAIRE ET UN COURAGE EXCEPTIONNEL

En l'écoutant, on avait immédiatement perçu un message fort, une façon très particulière de faire de la politique. Ce message partait de l'idée révolutionnaire (au sens historique du terme) que le rôle d'élu consistait d'abord et avant tout à lutter sans relâche contre tous les privilèges et les ordres établis. Ce combat passait par des décisions très concrètes, aux échelons des services publics de la commune et de l'intercommunalité, pour réduire les inégalités inscrites dans le temps long des histoires individuelles et communautaires. Sa propre trajectoire professionnelle, depuis la petite barque paternelle jusqu'à la flottille moderne de Pollica, avait percuté frontalement l'écueil ancestral de la propriété foncière et des pouvoirs établis, "le fossé infranchissable qui séparait dans ma jeunesse les pêcheurs de ceux qui possédaient tout : la terre, les biens, les commerces, le pouvoir politique…".
Elu maire (à la surprise générale tant il dénotait en préférant les réunions publiques au porte à porte), désigné président intercommunal parmi ses pairs (de tous bords politiques), élu conseiller provincial Vert, le "petit maire environnementaliste" avait accepté des responsabilités croissantes au motif premier qu'il était de son devoir de combler ce fossé, de le rendre moins inéluctable.
Il expliquait inlassablement à ses interlocuteurs, à ses partenaires et à ses contradicteurs que ses projets visaient d'abord à redonner leur dignité aux démunis, aux dominés, aux exclus, aux sans voix. A cet égard, il était viscéralement optimiste concernant la capacité des collectivités publiques, et notamment le niveau régional, à impulser des orientations vertueuses en matière de solidarité et de développement.
Mais l'entretien s'était aussi conclu sur une note beaucoup plus pessimiste quand il avait évoqué le changement si lent des mentalités, le poids des traditions, la chape de plomb des réflexes clanistes et classistes pour que rien ne bouge et pour que la politique reste une affaire de clientèles.
Mille fois, on lui avait proposé de l'argent, des avantages ou des biens pour qu'il mette provisoirement un mouchoir sur sa sensibilité exacerbée de Robin des Bois. Mille fois il avait répondu "non", sereinement et fermement, convaincu que sa ligne de conduite était juste et nécessaire. Il moquait gentiment les aveuglements dogmatiques et parfois élitistes de ses amis écologistes, il se désolait des compromis byzantins de ses collègues socialistes et ex-communistes, il admirait les maires des petites communes qui l'épaulaient au quotidien, il déplorait les campagnes électorales où les programmes se limitaient à des promesses individualisées, il croyait aux politiques régionales ambitieuses centrées sur l'éducation et l'apprentissage de la citoyenneté. A son premier mandat, il avait embauché un secrétaire de mairie humaniste atypique qui défendait les valeurs flamboyantes du militantisme social. Ce compagnonnage l'avait durablement marqué sur la conviction que la politique pouvait rendre les gens plus grands, plus conscients et fiers de leur rang à tenir dans la communauté des hommes.

En termes de sciences politiques, on peut dire que son combat relevait d'une sensibilité exacerbée pour dénoncer les périls qui menacent la cohésion sociale, et pas seulement en Italie méridionale : les inégalités sociales, l'argent roi, le refus du changement, les déséquilibres environnementaux, les ségrégations spatiales, le népotisme, les enfermements identitaires, la criminalité organisée…
En abattant Angelo Vassallo, les "chiens fous" de la mafia n'ont pas seulement défendu les petits ou les grands intérêts liés au business criminel de la drogue et de la construction immobilière. Ils ont aussi assassiné un prophète. Un prophète local et planétaire. Un élu du peuple qui affrontait avec une acuité visionnaire et un courage exceptionnel les dysfonctionnements les plus criants de la société contemporaine.

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Victorinepetite
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